Ti Jo, ce gamin du quartier, avait depuis toujours la réputation d’être le plus sage, le plus docile. Ses yeux ne se levaient jamais pour affronter le regard d’un grand être. Il se contentait de baisser humblement la tête, soumis à l’autorité de ceux qui semblaient plus grands que lui. Il était devenu cireur de bottes, s’agenouillant toute la sainte journée devant les pieds des passants, astiquant avec zèle le cuir usé pour gagner une petite grappe d’ail.
J’ai été surpris de constater dimanche dernier que c’est ce Ti Jo, le gamin effacé, qui téléphonait à un soldat d’un gang armé pour s’informer de la situation sécuritaire afin de donner l’autorisation à son voisin d’aller à la messe. Comment cet enfant, si soumis, si craintif, avait-il acquis cette influence sur ces hommes violents et dangereux ? Comment avait-il pu s’élever ainsi dans la hiérarchie de ce gang redouté ?
Il est possible que Ti Jo détienne dans sa besace une licence pour agir en tant que bandit dans sa localité. Cet enfant que j’ai vu grandir est devenu un consultant réputé en matière de déplacements sécurisés dans ces rues sombres et violentes.
La famille, c’est la vie. Mais qui est donc l’instigateur de l’enrôlement de nos enfants dans ces sinistres bandes armées? Qui perpétue cette injection de venin destructeur au cœur de nos foyers?