Tiquesh, tiquoh, biw et blaouh, ces onomatopées brutales sont nées d’un arsenal lourd, capables de nous fendre le foie dans les quartiers où nous avons établi notre vie.
Chaque son émis par le professeur est une détonation meurtrière qui effraie l’élève. L’enseignant lui-même ne semble pas comprendre, car le moindre bruit d’une plume ou d’un cahier qui tombe le fait se coucher au sol, pris de peur de mourir. Voilà ce que j’ai constaté en visitant une école à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti.
Tant vaut l’école, tant vaut la nation. Or, si l’école ne prépare pas la nation à tenir debout, les deux sont condamnées à sombrer.
Je connais ce ministre de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, l’homme qui s’est vu couronné du prix de l’impatience. Sa fougue et son empressement le poussent à agir avec une énergie décevante, souvent au détriment de la réflexion et de la prudence.
Il est convaincu que l’école ne peut pas attendre que la paix s’installe parmi nous, pourvu qu’il reste en poste. Mais saisit-il que lorsqu’un professeur s’époumone à hurler « silence » dans la classe, personne ne discerne vers qui se destine son exhortation : les élèves ou les brigands qui font retentir le vacarme de leurs armes ?
L’année scolaire s’achève, épuisée d’attendre le moment où elle pourra enfin commencer. Je déplore profondément les souffrances infligées à nos enfants dans leur quête de l’éducation.
À la fin de ma visite dans cette école dont je ne citerai pas le nom, le professeur de la classe m’a fait découvrir une série de trous béants, creusés par des projectiles et cachés sous une pellicule de ruban adhésif. Chaque fois qu’un élève curieux enlève le ruban, le professeur, les larmes aux yeux, m’a confié voir sa propre tombe à ciel ouvert.
Ci-gît ce texte qui m’échappe. Il ne m’appartient plus de l’écrire !