Le poisson nage loin de mon assiette. Les griffes de ma fourchette sont aux aguets. Si jamais il ne revient pas, j’espère que même les arêtes de cette créature aquatique finiront broyées sous mes dents, pourvu qu’elles ne restent pas coincées dans ma gorge. Mais qui, en ce Vendredi Saint, consentira à jeter ces restes à mes pieds ?
Mon estomac émet un bruit sourd, ce qui m’empêche d’entendre la réponse de l’océan. J’aimerais tellement que la mer, d’un seul flot, fournisse à ma table affamée ses fruits nutritifs.
Depuis que la violence s’est intensifiée en Haïti, la vue de la viande m’est devenue répugnante. Des criminels se nourrissent de chairs crues ou fumées de la population.
Je soupire après la sainteté du vendredi de cette semaine, qui pourrait permettre à mon peuple d’échapper à l’endocannibalisme.