Tous ces chefs de gang haïtiens, ainsi que leurs patrons, je sais qu’ils n’ont pas causé suffisamment de morts pour mériter le droit de mourir. Je suis également conscient que la population n’a pas enduré suffisamment la brutalité de ces bandes armées. C’est pourquoi on se déplace sans relâche, d’un coin à l’autre de la ville. Le jour où nous réaliserons qu’il n’y a nulle part où aller, on touchera le fond du désespoir, prêts à foutre un coup de poing à ce qui ne peut être toléré.

Haïtiens

À force de fuir pour échapper aux gangs armés, nos enfants se perdent dans la nature. Beaucoup d’entre eux seront recrutés par les criminels. Ce processus généralisé et tacite de gangstérisation est un bon signe, mais alarmant. Il indique que les tueurs d’aujourd’hui seront éventuellement éliminés par ceux-là mêmes qu’ils auront formés.

Que l’on ne vienne pas me demander jusqu’où cela peut aller. Nous, Haïtiens, que ce soit par choix ou par les circonstances imposées par nos dirigeants, semblons depuis des décennies opter pour un chemin qui ne correspond en aucun cas à notre destination souhaitée. À en juger par l’évolution actuelle, il paraît que nous soyons prêts à enfoncer davantage le clou de notre mal-être.

Viendra le jour où nous ne courrons plus ni ne nous cacherons. Nous apprendrons à nous dévorer mutuellement. On ne peut pas toujours fuir la violence. Malheureusement, nous découvrirons, un jour, que la violence est devenue une forme de protection dans ce pays où même les forces de l’ordre sont dépassées par le désordre imposé par les gangs armés.

Ce matin, j’ai parlé à un homme dont la maison a été incendiée à Carrefour-Feuilles. Il m’a confié qu’il regrettait de ne pas avoir incendié tout le quartier avant de s’enfuir. Il a expliqué que ceux qui ont quitté Martissant n’ont jamais pu y retourner, soulignant qu’il est juste de ne laisser aucune trace de souvenirs dans la zone que des bandits armés nous contraignent à quitter.

Boutik Royal oasis

Ici, chacun élabore ses stratégies pour échapper à la mort. Inévitablement, on apprend à tuer pour survivre. Cela ne s’apparente pas à une « guerre civile », mais à une nécessité d’auto-préservation. Toutefois, cette auto-préservation dérive vers l’autodestruction.

Robenson D’Haiti
Journaliste Professionnel
www.robensondhaiti.com

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