Les rues sont en sueur sous l’étreinte brûlante du soleil. Les fils électriques serpentent sans vie à travers le quartier. L’Électricité d’Haïti (EDH), qui dormait, meurt en plein sommeil. La scène était saisissante, ce dimanche 7 mai 2023. J’ai vu des Haïtiennes et des Haïtiens, en grand nombre, se rassembler frénétiquement à chaque coin de rue pour mettre la main sur un petit morceau de glace industrielle. C’est un pays chaud, où nous sommes habitués à manquer de tout : pain, éducation, soins de santé et sécurité.

Mon cher ami, tu évoques l’idée d’abattre le système, mais c’est là une proposition aussi folle qu’un suicide. Car nous sommes le système, et nous ne saurions nous débarrasser de nous-mêmes. Nous devons plutôt le défaire avec prudence, en démontant chacune de ses pièces, une à une. Il y a peu, mes yeux attristés ont observé un motocycliste pressé, klaxonnant impatiemment une femme et sa fille sur le trottoir, alors qu’elles se dirigeaient paisiblement vers l’école. La dame, contrainte, a cédé le passage aux deux-roues.

Il y a encore une autre facette de cette situation qui mérite d’être soulignée. C’est précisément parmi les membres les plus vulnérables de notre société que l’on rencontre cette curieuse pratique consistant à payer un tribut, sous forme d’argent, à ces agents corrompus de la mairie et à certains malfrats, afin de bénéficier du droit d’exposer leurs modestes marchandises sur le trottoir, réservé pourtant à la circulation des piétons. Nous sommes le système !

Nul n’est tout à fait coupable de la situation chaotique de notre pays, mais nul n’est tout à fait innocent non plus. Nous sommes tous responsables, car chacun de nous croit ne pas avoir la responsabilité de changer le pays. La seule responsabilité de l’Haïtien a quasiment toujours été de changer de pays.

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