Je me souviens des moments où ma mère scrutait les profondeurs de mon sac à chaque fois que je rentrais de l’école. 

Le jeune voleur du quartier était condamné à la solitude, car aucune jeune fille des environs n’oserait le fréquenter. Le vol était proscrit et les familles se vouaient un respect inébranlable. Il y a toujours eu des voleurs en Haïti, se dissimulant dans l’ombre et ressentant la honte. Mais comment se fait-il que ces voleurs s’élèvent désormais en figures exemplaires dans mon pays ?

J’ai malheureusement constaté avec mon cher ami, le Dr. Gracien Jean, que la société matriarcale a disparu. Aujourd’hui, c’est l’infantriarcat qui prévaut, où ce sont les enfants, tels de petits généraux, qui assurent la subsistance du foyer. Ainsi, une crise de valeurs intense a engendré le chaos dans lequel nous nous trouvons. Et il semblerait que nous atteignions un point de non-retour. Savez-vous que le jeune homme qui apporte de la nourriture à la maison est autorisé à violer sa sœur, non seulement en raison de l’argent qui souille ses mains, mais aussi parce qu’il détient le pouvoir répressif.

D’un sage éclairé, j’ai recueilli la triste vérité selon laquelle, depuis 1986, des individus de la diaspora corrompent la jeunesse haïtienne en les attirant avec leur pouvoir ou leur obsession malsaine pour l’argent.

Aujourd’hui, il est essentiel de comprendre que ces brigands impunis sont en grande partie le fruit des négligences familiales. Les familles auraient pu prévenir cette calamité dont nous ne sommes pas prêts à sortir.

Mais comment nier que cette montée en puissance des actes criminels et la glorification de leurs auteurs reflètent une société profondément déchirée ? Au-delà de l’effacement de la société matriarcale, évoquée précédemment, il convient de considérer d’autres facteurs socio-économiques qui ont contribué à cette situation tourmentée. Une pauvreté généralisée, une instabilité politique chronique, un déficit criant en ressources et opportunités, et une corruption endémique se sont tous conjugués pour éroder les valeurs et les normes sociales en Haïti.

Je concède que ce serait injuste d’imputer entièrement aux familles haïtiennes la responsabilité de tous nos maux. La crise qui nous étreint exige une approche globale, où l’État, les associations communautaires et l’ensemble de la société se tiennent côte à côte, solidaires. Des mesures radicales sont impérieuses pour fortifier l’enseignement, ouvrir les portes du travail, livrer une lutte farouche à la corruption, et cultiver des valeurs de respect, d’éthique et de responsabilité, aussi bien individuellement que collectivement.

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