Je suis passé ce lundi matin dans la rue Pinchinat à Pétion-Ville (Haïti). J’ai remarqué un groupe de jeunes enfants, filles et garçons, en train de discuter devant les tableaux accrochés aux murs en face de l’hôtel Kinam. Cela m’a fait réaliser que la vie reprenait véritablement en Haïti. Je me suis demandé quelle école avait eu l’idée de cette sortie éducative pendant cette période d’insécurité. C’est alors que les marchands m’ont informé qu’il s’agissait d’enfants des rues.

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Ils discutaient des couleurs, des coups de brosse dont les doux poils effleurent délicatement le bas-ventre d’un personnage nu, créant ainsi une texture inédite. Leur débat autour des toiles qu’ils ne peuvent pourtant pas acheter m’a nourri l’esprit. D’où pouvait bien découler cette connaissance et cette intimité avec le beau, me suis-je interrogé ? L’un des marchands m’a confié que ce sont parfois les commentaires de ces petites âmes errant dans les rues qui déclenchent un achat… C’est ainsi, bien souvent, qu’ils gagnent leur maigre subsistance, a-t-il ajouté avec émotion.

Je rappelle, sans entrer dans les détails que je connais parfaitement, que certaines personnalités ont été recueillies alors qu’elles étaient jeunes et vivaient dans la rue. Par la suite, elles ont réussi à trouver leur voie vers le succès grâce à leur talent, leur détermination et l’appui de personnes qui ont cru en elles.

Etta James, une adolescente afro-américaine, la regrettée chanteuse de blues, a été récupérée alors qu’elle était enfant et vivait dans la rue. Après avoir été découverte par le musicien Johnny Otis, elle a lancé sa carrière musicale et est devenue une icône de la musique soul.

Le célèbre acteur et réalisateur Charlie Chaplin a eu une enfance difficile. À l’âge de sept ans, sa mère n’a pas pu s’occuper de lui, alors il a été placé dans un foyer pour enfants. Après cela, il a vécu dans la rue, mendiant et faisant des spectacles pour gagner de l’argent. C’est grâce à ses talents artistiques qu’il a été remarqué et a finalement réussi à avoir une carrière fructueuse dans le cinéma muet.

Les exemples abondent et je m’abstiendrai d’en fournir davantage, afin de me laisser le loisir de me demander où se trouvent les dénicheurs de talents en Haïti.

La société civile, si elle est consciente de sa mission, a un rôle essentiel à jouer dans le repérage et la mise en valeur des talents. En Haïti, où les ressources et les infrastructures sont généralement limitées, la société civile peut jouer un rôle clé en identifiant, soutenant et promouvant les talents locaux. 

Les organisations non gouvernementales, les associations culturelles, les initiatives communautaires et les institutions éducatives peuvent collaborer pour créer des programmes et des événements qui mettent en lumière les talents émergents dans divers domaines tels que l’art, la musique, le sport, l’entrepreneuriat, la science, etc. 

En fournissant des opportunités d’apprentissage, de mentorat, d’exposition médiatique et de financement, la société civile peut contribuer à dénicher et à soutenir les talents prometteurs, offrant ainsi des perspectives et des opportunités aux individus talentueux qui pourraient autrement passer inaperçus.

Je reconnais qu’avant la fin des années 80, certaines personnes avaient la capacité de repérer ces jeunes talents qui erraient dans les rues et de leur offrir le soutien approprié. Cependant, les temps ont changé. De nos jours, malheureusement, bon nombre de ces jeunes enfants ont été enrôlés dans les rangs de la criminalité organisée dans notre pays. Ils sont recrutés par les criminels les plus dangereux, ce qui en fait des pions utilisés dans des activités illégales.

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Le volontariat des âmes charitables est presque une tâche impossible, tant ces enfants des rues ont sombré dans la violence. Il ne reste donc que peu de solutions, sauf si l’on demande de l’aide à l’État. S’il lui reste suffisamment de temps et de volonté, celui-ci devra déployer une approche globale et coordonnée afin de résoudre ce problème.

L’État pourrait ainsi offrir un environnement à la fois sûr et protecteur à ces enfants qui se trouvent piégés dans des situations mettant en péril leur bien-être. Que ce soit à travers l’établissement de foyers temporaires ou durables, il devra veiller à ce que ces jeunes aient accès à des soins élémentaires, à une éducation adéquate, à une alimentation suffisante, à des activités récréatives et à un soutien psychosocial.

Cependant, lorsqu’il est question des enfants des rues, l’État se trouve malheureusement dans une impasse. La rue, avec ses montées et descentes, demeure une réalité difficile à surmonter.

Robenson D’Haiti
Journaliste Professionnel
www.robensondhaiti.com

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