Ici, la laideur est un choix. On invente l’horreur pour repousser l’échéance de la mort. On essaie toujours d’être moins laid que l’autre avec la satisfaction que nous sommes tous laids. Nous sommes en plein dans un processus d’encrassement collectif dont nous sommes tous fiers. Donc, «  PITO NOU LÈD NOU LA ».

Les proverbes véhiculent notre vision du monde. Nous admettons que nous sommes laids aux yeux des autres peuples. Nous nous en réjouissons parce que nous sommes encore là.

Tuer des innocents et ensuite les brûler, c’est hideux mais on le fait. En toute impunité. Dilapider les fonds PetroCaribe et piller les caisses de l’Etat, c’est laid. Pourtant, on le fait. Toujours en toute impunité.  Mais on est là ! La société se tait.

Cette laideur n’a aucune chance de devenir belle. Elle est une atteinte grave au regard. Le monde a peur de nous regarder. S’il a peur de nous regarder puisque nous sommes heureux d’être laids, notre place n’est pas là. Notre place n’est nulle part. Alors, d’où vient cette stupidité : «  PITO NOU LÈD NOU LA »

Dans son ouvrage intitulé « Le Dilemme Haïtien », paru à Montréal, en 2018, M. Drelin Laguerre a étudié, entre autres, ce proverbe qui, dit-il, émane de la philosophie populaire et constitue un reflet de l’âme haïtienne. Selon M. Laguerre, ce proverbe est symptomatique d’une profonde dépression psychologique sociale dans laquelle la  nation haïtienne est plongée.

Ici, on n’apprend pas à s’indigner.  Lors du tremblement de terre, les voix de l’espoir et de la rédemption auraient dû être celles du  remords, de la réflexion, de l’indignation, de la colère et des  chansons guerrières de motivation, fait remarquer M. Drelin Laguerre.

«  PITO NOU LÈD NOU LA ». Mais viendra un jour où nous ne pourrons être nulle part. Aucun peuple n’acceptera notre laideur même dans ce petit coin de terre que nous appelons chez nous.

Robenson D’Haiti

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