Le mouvement de résistance de la population contre l’insécurité entraine, d’une certaine manière, l’éclosion d’une activité économique dans les quartiers populaires. Des guichets de collecte de fonds sont érigés de façon tout à fait informelle afin de pourvoir aux besoins des brigadiers qui se tiennent en première ligne de la défense. Une simple boîte en carton est déposée, à la vue de tous, sur une chaise, encourageant, sans la moindre contrainte, les habitants, à y glisser quelques pièces dans le but d’assurer la tranquillité d’esprit face aux attaques des bandits armés. 

Comment les brigadiers partagent-ils les fruits de leur collecte ? Les recettes amassées sont-elles distribuées à parts égales ? Ou bien certains ont-ils droit à la plus grosse part du gâteau ? Je ressens une certaine inquiétude, car je crains qu’un jour, un malandrin ne vienne semer la discorde et mettre à mal ces structures de défense, construites avec tant de détermination.

Les habitants de certains quartiers, voyant que l’État n’a guère pris de mesures adéquates pour endiguer l’insécurité grandissante, ont contribué financièrement pour se donner leurs propres chefs protecteurs. Mais que nul n’oublie que plusieurs quartiers sont déjà sous la direction de chefs de gang qui, eux aussi, ont peut-être revêtu le costume du père protecteur.

Qui connaît aujourd’hui l’avenir de ces brigadiers bienfaiteurs ? Mon ami Drelin Laguerre, auteur de l’essai intitulé « Le Dilemme Haïtien« , m’a fait remarquer que de part et d’autre, le mal est infini. Qui sait si des politiciens et des hommes d’affaires ne sont pas déjà en train de faire des yeux de velours à ces sentinelles de quartier pour les corrompre ?

Ainsi se dessine la nécessité de la présence de l’État haïtien, pourtant toujours absent. La population se mobilise, mais qui sait quel monstre criminel pourrait surgir de ses propres rangs ?

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